À Madagascar, une naissance sur 100 serait concernée par un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Pourtant, le pays ne dispose d’aucun centre de diagnostic structuré et validé, alors que les familles, souvent démunies, sont confrontées à un véritable parcours du combattant. Une mission médicale en provenance de La Réunion vient de mettre en lumière l’urgence de mettre en place un centre pluridisciplinaire dédié à l’autisme sur le territoire.
Sous l’impulsion du programme COREM, une délégation d’experts emmenée par le Dr Djéa Saravane sommité internationale dans le domaine du soin somatique des personnes autistes a séjourné dans la capitale malgache du 2 au 7 juin. Objectif : partager son expertise, former les professionnels de santé locaux et poser les bases d’une prise en charge plus humaine, plus inclusive, mais surtout mieux structurée.
L’autisme, souvent mal compris, est un handicap invisible. Il ne se résume pas à une seule réalité. Chaque personne autiste est unique. Les familles malgaches, qu’elles soient aisées ou modestes, sont confrontées à une même impasse : l’absence de structure médicale adaptée. “Les médicaments sont inaccessibles, les consultations spécialisées rares et les diagnostics presque impossibles à obtenir. C’est une souffrance silencieuse pour beaucoup”, a ajouté le docteur
La mission a révélé un chiffre frappant : 70 % des personnes autistes dans le pays présentent des formes sévères, sans langage ou avec un retard important, nécessitant une approche éducative spécifique. Mais face au manque de professionnels formés et à la prolifération de méthodes non validées – parfois proposées par des charlatans sur les réseaux sociaux – les familles s’accrochent, avec courage, mais sans moyens.
Le Dr Saravane a mené 14 consultations spécialisées lors de la mission, apportant un soutien précieux aux familles. En parallèle, une dizaine de médecins, paramédicaux et éducateurs ont bénéficié de sessions de formation sur la gestion somatique et comportementale des troubles du spectre de l’autisme. “Il ne suffit pas de bonne volonté. Il faut des compétences. Former les soignants sur place, c’est offrir une réponse durable aux besoins spécifiques de cette population”, insiste Nathalie Faucher, présidente de l’association Autisme Réunion.
La création d’un centre multidisciplinaire de diagnostic et d’accompagnement devient une nécessité vitale. Ce centre permettrait une évaluation fiable par des médecins formés, l’intervention de psychologues qualifiés et la mise en œuvre de parcours éducatifs individualisés. Il s’agirait également d’un espace de formation continue pour les professionnels malgaches, tout en offrant un accompagnement structuré aux familles.
Des échanges ont été engagés avec les autorités sanitaires malgaches et la ministre de l’Éducation nationale, Sahondrarimalala Marie Michelle, pour intégrer cette problématique à l’agenda des politiques publiques. Car aujourd’hui, ce sont les enfants et bientôt les adultes autistes qui arrivent à l’âge adulte sans suivi, sans perspectives, et avec des familles à bout de souffle.
“À La Réunion et à Maurice, des centres structurés existent, soutenus par les gouvernements locaux. Madagascar ne peut plus rester en marge”, plaide Flora Homespun, cadre infirmière et membre de la mission.
Un colloque régional sur l’autisme est prévu en novembre prochain dans l’océan Indien. Il pourrait constituer un tournant, en posant les jalons d’un plan d’action malgache pour l’autisme, à l’image de ce qui existe en France, où des budgets dédiés et des stratégies nationales permettent des avancées concrètes.
Madagascar est prévalu compte près de 30 000 personnes autistes selon les estimations. Il est temps de sortir du silence. De créer un espace sûr, labellisé, encadré, pour qu’aucune famille ne soit plus laissée seule face à un diagnostic impossible. L’enjeu dépasse la santé : il s’agit d’un combat pour la dignité, l’équité et l’espoir.