Un vent d’innovation souffle sur le paysage financier malgache. C’est un tournant historique que vient de prendre Madagascar : la Banque Centrale (BCM) lance officiellement la phase expérimentale de l’e-ariary, une monnaie numérique souveraine qui promet de transformer durablement les habitudes financières du pays. Présenté ce jour au parvis de l’Hôtel de Ville d’Antananarivo, ce projet pilote s’inscrit dans une dynamique de modernisation, d’inclusion financière et de réduction de la dépendance aux espèces.
Une monnaie numérique, mais bien réelle
À la différence des solutions de mobile banking ou des portefeuilles électroniques proposés par des opérateurs privés, l’e-ariary est une véritable monnaie, émise et garantie par la Banque Centrale. Elle possède la même valeur que les billets et pièces traditionnels, tout en étant entièrement dématérialisée. Concrètement, elle peut être utilisée sans carte bancaire, sans smartphone haut de gamme, et même sans connexion internet. Accessible via une simple application ou une carte prépayée, elle s’adresse à tous, avec pour ambition de rendre le système financier plus équitable et plus accessible.
S’insérant dans la vie courante des Malgaches, l’e-ariary pourra être utilisé pour régler les frais de transport, payer les factures de la Jirama, acheter au marché, verser des salaires ou des pensions de retraite. Le Premier adjoint au maire de la capitale a salué un projet « structurant », capable de rapprocher l’administration de la population tout en luttant contre la corruption par la traçabilité des paiements.
Autre avantage notable : les frais de transaction seront significativement réduits, voire inexistants, comparés à ceux pratiqués aujourd’hui par les plateformes mobiles. Le but est clair : alléger la charge financière sur les ménages et les petites entreprises, et favoriser la fluidité des échanges.
Au-delà de ses usages quotidiens, l’e-ariary devient un instrument stratégique pour l’État : il permet de mieux contrôler la circulation de la monnaie, de lutter contre l’économie informelle et d’améliorer la collecte des impôts. « Toute monnaie en circulation doit être sous la responsabilité de la Banque Centrale », a affirmé Aivo Andrianarivelo, le gouverneur de la BCM.
Grâce à l’e-ariary, le Trésor public pourra également distribuer plus efficacement les aides sociales et les fonds publics, sans file d’attente, sans déplacement et avec une meilleure transparence.
Pensé comme une révolution douce, l’e-ariary s’inscrit dans une trajectoire de développement entamée en 2021. De la définition des concepts à la construction d’un écosystème numérique robuste, ce projet a été co-construit avec des partenaires techniques et institutionnels, selon une démarche méthodique, responsable et ancrée dans la réalité locale.
Le design même du e-ariary rend hommage à la culture malgache : une tête de zébu pour symboliser l’identité nationale, un soleil rayonnant pour l’avenir, et un bouclier pour incarner la confiance.
Une phase pilote avant le grand déploiement
La phase d’expérimentation s’étendra sur 10 mois, dans des zones pilotes sélectionnées, avant un déploiement progressif à l’échelle nationale dès mai 2026. Elle permettra de tester les usages, d’évaluer les impacts économiques et sociaux, et d’ajuster le dispositif pour un lancement à grande échelle réussi.
En réduisant l’usage du cash, en abaissant les coûts de gestion monétaire et en renforçant la résilience du système financier, l’e-ariary est bien plus qu’un simple projet technologique : c’est une nouvelle page de l’histoire monétaire malgache qui s’écrit, 100 ans après l’introduction de la première monnaie nationale.
Avec ce lancement, Madagascar s’aligne sur les grandes tendances internationales tout en affirmant sa souveraineté monétaire. Le message est clair : l’inclusion financière et l’innovation ne sont plus des luxes, mais des leviers incontournables pour bâtir une économie plus juste, plus moderne et plus dynamique.
« Le citoyen est au cœur du processus », affirme la BFM. Et c’est bien là le véritable enjeu de cette transformation : faire du numérique un outil de progrès pour tous.